Terre des Hommes – Délégation du Doubs
Pour le droit à vivre dignes

Site de la délégation départementale du Doubs (DD25) de l’ONG Terre des Hommes France

Échanges avec Michel Magny, Denis Clerc, Jean-Pierre Bugada
Article mis en ligne le 19 mai 2020

par Terre des Hommes Doubs
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Retranscription Laura Garcia, relecture Lucile Garbagnati.

L’agenda mondial

Liliane Lucchesi  

Je voudrais tout d’abord vous remercier, tous les trois, pour vos interventions. L’idée de l’Anthropocène est une idée qui bouleverse.

Je me présente, je suis Liliane Lucchesi, je suis Conseillère régionale, déléguée à la solidarité internationale et à l’agenda 2030, donc les ODD, ce qui vous a été présenté par Jean-Pierre Bugada.

L’agenda mondial, un facteur d’espoir

Monsieur Magny, je trouve votre positionnement par rapport au développement durable, extrêmement sévère.


https://humanhist.com/science/environnement/objectifs-developpement-durable/

Je défendrai l’agenda 2030, qui est un agenda mondial, comme il nous a été présenté, avec ses 17 ODD et ses 169 cibles. Ce que je trouve d’extrêmement intéressant c’est qu’il est justement un facteur d’espoir, même si on sait que la situation est grave, vous l’avez démontré, qu’elle a été dénoncée depuis longtemps, et que tout n’a pas été pris en compte. Mais certaines choses l’ont été, même si en ce moment on est sur une ligne de crête, c’est-à-dire que le monde peut basculer d’un côté ou de l’autre, tout dépend de la façon dont nous allons réagir. Mais nous allons agir, nous tous !

L’agenda 2030, un langage commun

Et c’est ça aussi la richesse de l’agenda 2030, c’est qu’il est un langage commun qui peut être parlé par les États. Je vous rappelle qu’il y a 193 États qui ont signé cet agenda mondial, que les négociations n’ont pas été faciles, dans la mesure où il a fallu se mettre d’accord sur ces 17 objectifs. Mais moi, ce que j’aime dans ces 17 objectifs c’est qu’ils sont universels, ils sont indissociables, ça veut dire qu’on ne peut pas en extraire un et l’appliquer tout seul. D’ailleurs, votre explication sur la démographie, vous l’avez liée à la distribution de terres ; on voit donc bien qu’on ne peut pas régler un problème sans avoir un regard sur les autres et c’est ce qui est intéressant dans les ODD. Cette façon de lier les problèmes les uns avec les autres afin de pouvoir répondre aux problématiques qui se posent à nous.

L’agenda 2030, une clé de lecture des interactions.

Je donnerai un exemple que je trouve très frappant : faire des tomates bio c’est vertueux, cultiver de façon biologique, ça préserve la terre, ça préserve la santé, on est dans quelque chose de vertueux. Il y a une région d’Espagne où l’on fait de la culture de tomates bio sous serre, en utilisant toute l’eau de la région et en ne payant pas les ouvriers qui viennent travailler. Si on analyse cette situation avec, comme grille de lecture, les ODD, ça veut dire d’abord que si les tomates sont bio, elles ne sont pas sous serre. On fera attention à répartir également la consommation de l’eau sur l’ensemble de la région pour que tout le monde puisse en avoir sa part et puisse se développer. Et ensuite on payera correctement parce qu’il y a bien un ODD qui parle de travail, qu’il soit équitable, qu’il y ait une répartition de richesses.

Cet agenda a ses limites, comme tous les agendas mondiaux, bien sûr, on est dans une situation où tout le monde doit en porter la responsabilité, mais il nous donne certaines clés.

L’agenda 2030, un outil pour l’action

Et d’autre part, il s’adresse bien aux États, aux collectivités. Le rôle des collectivités et des gouvernements locaux est extrêmement important parce qu’on ne peut pas atteindre les objectifs, on ne peut pas se les approprier, si les collectivités locales, les gouvernements locaux ne se mettent pas aussi à s’en saisir. C’est ce que nous faisons d’ailleurs à la Région à notre niveau, je vous en parlerai lors de la table ronde. Il y a également les associations, les ONGs, les entreprises et les individus. C’est à dire que c’est un langage commun qui s’adresse à tout le monde.

Je trouve cette idée d’Anthropocène bouleversante, nous avons d’ailleurs reçu lors de nos assises régionales de la solidarité internationale François Gemenne, qui est un chercheur du GIEC et qui est venu nous présenter justement cette idée d’Anthropocène avec son livre L’atlas de l’Anthropocène  [1]. Je pense que les solutions, nous devons les trouver rapidement, je suis d’accord, mais que chacun doit porter ses responsabilités et que l’agenda 2030 est un des outils qui peut nous aider à avancer.

Participant 1 :

Par quel moyen ?

Denis Clerc  :

Je voudrais répondre à la question précédente : qu’est-ce qu’on peut faire ? Alors, moi, ma réponse en économiste, ce n’est pas une réponse en tant qu’humain, ma réponse d’économiste c’est : en taxant pour qu’il n’y ait pas de fortunes.

Participant 1

Mais en taxant qui ? Car les politiques, on sait bien qu’elles viennent des économistes

Denis Clerc :

C’est en train d’évoluer dans l’opinion publique. On s’en rend compte lorsque Bernie Sanders est quasiment au coude à coude dans les Primaires démocrates avec son concurrent Biden. Lui, il défend un impôt sur le capital, sur les fortunes ainsi qu’un impôt sur le revenu beaucoup plus progressif. Or, il se trouve que ces impôts-là ont été « vendus » en quelque sorte aux américains, en tout cas à la partie progressiste des États-Unis, par une demi-douzaine d’économistes français [2]. Le plus connu est Thomas Piketty [3], mais il y a Emmanuel Saez [4] et Gabriel Zucman [5], je pourrais en citer d’autres.

Il y a toute une école d’économie française qui est en train aujourd’hui de persuader l’opinion publique, (à défaut de pouvoir persuader les politiques) que la justice sociale est indissociable de toute réforme qui voudrait à la fois sauvegarder l’environnement et en même temps éviter les conflits politiques. Ces réformes ont au fond l’idée qu’il faut partager nos pouvoirs, partager les revenus, partager les fortunes, partager les capacités des uns et des autres. Ça ne se fera pas en un tour de main, mais je suis absolument persuadé que les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui et les révoltes populaires, du type gilets jaunes, vont pousser les politiques à le faire.

https://wir2018.wid.world/

Les politiques ne sont pas tout-puissants et ce qui se passe c’est que même des grands patrons, je pense à Danone par exemple, introduisent désormais de l’environnemental dans leurs objectifs à 10 ans alors que jusqu’à présent ils étaient insensibles. Par contre, Total, il faut tout faire pour le casser, c’est un monopole ou oligopole absolument détestable qui est responsable soit de façon directe, soit de façon indirecte, des deux tiers des émissions françaises des gaz à effet de serre.

Participant 2 :

J’ai trois questions.

Ma première question s’adresse à M. Bugada. Sur les financements des ODD, quels sont les pays porteurs ? Quels sont les pays qui sont plutôt un frein sur les financements de ces ODD ? Est-ce que c’est possible dans un cadre capitaliste ?

Deuxième question : Est-ce que si les pays de l’Occident payaient à leur juste prix les ressources et la main d’œuvre qu’on utilise en Afrique, en Chine, il y aurait une diminution de leur niveau de vie ou pas ?

Troisième question, pour M. Clerc : Est-ce que vous sentez dans les institutions européennes une prise de conscience des inégalités qui monte du fait des mouvements sociaux qui ont eu lieu ? Est-ce que cette prise de conscience des décideurs politiques a eu un impact au niveau financier en Europe ou pas du tout ou est-ce encore soft ?

Dernière remarque : Je suis intéressé par le constat de M. Magny, mais je pense qu’on est aujourd’hui peut-être un peu dans l’heure des solutions. En effet, la prise de conscience ça fait quelques années qu’elle prend vraiment, en tout cas en France ; les solutions elles sont à la fois individuelles et collectives, mais il faut que nous, individuellement, on passe par-dessus le politique par tout ce qu’on peut faire : initiatives citoyennes, réseaux sociaux…

Les financements 


https://www.xbrl.org/regulated-crowdfunding-becoming-a-reality/

Jean-Pierre Bugada : Un financement complexe.

Le financement de l’ONU est complexe. Il reflète à la fois la diversité des missions de l’organisation, les priorités de ses mandats ainsi que l’enchevêtrement de ses structures. Les États membres constituent la principale source de ce financement.

Alors on va trouver les financements dans le cadre des partenariats, c’est la manière la plus utilisée. On va les trouver pour chaque objectif, en matière de santé, en matière de protection des océans, etc., donc je n’ai pas de réponse unique à vous donner. C’est compliqué. Est-ce qu’on se replace dans le cadre des Nations-Unies avec des financements établis au prorata ou des financements sur des bases volontaires par d’autres institutions des Nations Unies, qui n’ont pas de budget régulier, mais des contributions. Pour tous les autres financements, on peut trouver des partenariats avec les collectivités, des États. Mais, il y a des financements au niveau international mais je n’ai pas de chiffres précis à vous donner ici. [6]

Denis Clerc : Un financement énergétique problématique

Je ne vous apporte pas une réponse directe, mais simplement dans l’accord de Paris [7], il a été inscrit, pour faire réaliser la transition énergétique dans les pays en voie de développement, que 100 milliards de dollars par an devraient être versés, moyennant certaines obligations pour eux en matière de production énergétique et de distribution de cette énergie. Actuellement, ces 100 milliards par an, sur une dizaine ou quinzaine d’années, on n’arrive pas à les rassembler puisque ce sont des dons volontaires. Pour l’année 2019, on en est à un peu près à 85 milliards de versés, et pour l’année 2020, les propositions qui sont faites par les pays sont toutes en baisse par rapport à ces 85 milliards, donc il y a un problème de financement, mais là je ne parle que du financement énergétique.

Jean-Pierre Bugada : Les ODD, un outil pour le développement durable

Je veux juste rajouter une remarque. C’est rappeler ce que je vous disais tout à l’heure de l’effort du développement des Nations Unies dans le temps. C’est qu’en fait les OMD et les ODD, ont fourni un cadre de référence. Effectivement c’est un outil, une clé pour le développement. Certes, il y a une différence : avec les OMD, on ne parlait pas de développement durable à cette époque, mais la notion de développement existait déjà. Mais avec les ODD on a quelque chose de plus concret. C’est normal que Denis Clerc parle de la condition énergétique dans les pays en développement, mais il y a tous les autres secteurs d’activités. Si on tire un objectif, on touche à un autre objectif. Si vous prenez les activités des Nations Unies, les quatre secteurs d’activités énoncés dans la Charte des Nations Unies [8], on n’a pas les Droits Humains, si on n’a pas de développement économique, social, global, etc.

https://sustainabilityillustrated.com/fr/portfolio/3-piliers-du-developpement-durable/

Michel Magny : L’urgence du changement climatique

L’augmentation de la population terrestre

Un chiffre aussi par rapport à ce qui se passe au niveau climatique. Je suis désolé d’insister sur des aspects comme celui-là, mais ce sont des aspects d’urgence. On est coincé entre d’une part la nécessité de développement pour une population en voie de développement, et elle n’augmente pas de petite façon. D’ici à 2050 c’est +25 % de population à la surface de la planète.

La non-observance des accords de Paris

Par rapport aux Accords de Paris, pour rester en dessous d’un degré et demi d’augmentation de la température, il faut atteindre d’ici à 2050 la neutralité carbone, c’est-à-dire, que tout ce que nous rejetons de carbone dans l’atmosphère est réabsorbé par les capacités de l’écosystème terrestre à les absorber. Pour arriver à ce résultat, il y a un certain nombre d’engagements qui ont été signés dans les accords de Paris. En fait, il n’y a pas seulement des financements comme ce que vous avez évoqué, mais aussi les engagements à réduire les émissions de gaz carbonique. Pour le moment on est sur un horizon à 3,2 degrés d’augmentation d’ici à 2100. Donc aujourd’hui on est à 1 degré d’augmentation à l’échelle globale. Vous voyez ce qui fait problème au niveau du changement climatique, c’est que sur la pente que nous suivons, celle des pays cosignataires des accords de Paris, nous sommes à 3°2. Vous avez un article qui est sorti cette année signé par un groupe de climatologues français qui ont révisé la question de la sensibilité du climat. Il nous dit que, vraisemblablement, la sensibilité du climat a été sous-estimée, et donc, l’augmentation de la température va être supérieure à ce qu’on avait chiffré dans une première approche. Donc je suis désolé d’insister, mais il y a un niveau d’urgence qui est phénoménal.

L’augmentation de l’aridité et migration

Il y a urgence aussi pour les sociétés, un rapport du GIEC sur l’utilisation des terres par l’humanité évalue qu’à l’horizon 2050, 4 milliards d’humains seraient dans des zones souffrant d’aridité. Tant qu’on parle de migration humaine à cause des problèmes économiques, on évoque des chiffres de 1 à 3 millions d’habitants venant d’Afrique.

Vous n’imaginez pas que ce sera seulement 1 à 3 millions d’habitants africains, s’il y a 4 milliards d’humains qui vivent dans des zones souffrant d’aridité ! Ce sera largement supérieur ! En fait, dans ces questions migratoires on n’intègre pas les questions d’écologie, mais c’est un problème que nous aurons demain.

https://www.multi-gyn.ch/fr/inconforts-fr/secheresse-vaginale-causes-et-traitements/

La nécessité de se mobiliser

Donc, moi je ne me démobilise pas par rapport à ça, moi j’ai une hargne pas possible par rapport à ce qui est en train de se passer. Mais ça me donne envie de marcher pour le climat, l’envie d’aller voter et chaque fois que j’interviens je demande d’aller voter, de participer aux débats politiques parce que c’est un des leviers extrêmement importants pour nous, pour changer les choses. Donc je dois me mobiliser, je ne fais qu’insister sur l’urgence dans laquelle nous sommes.

Et l’Afrique ?

Participant 3 :

J’écoute Monsieur Magny et puis j’écoute Monsieur Clerc et je me rends compte qu’il y a un contraste. Là où Monsieur Magny nous dit « Ce monde est fini, il faut en sortir », vous, Monsieur. Clerc, reproduisez des thèses malthusiennes sur la maîtrise de la démographie.

La démographie

Par exemple, pour que nous, africains, on puisse rattraper le « retard » d’une société qui est en pleine décadence. C’est le paradoxe, comment peut-on maîtriser la démographie ? Vous avez sorti une rhétorique qu’Emmanuel Macron a sortie devant les étudiants africains il y a deux ans au Burkina Faso ; « .... si vous faites beaucoup d’enfants, ça ne pourra pas avancer » [9].
https://www.jeuneafrique.com/497414/politique/burkina-faso-ce-quil-faut-retenir-du-discours-demmanuel-macron/>

C’est faux, parce que notre démographie est une puissance. Vous savez j’ai passé huit mois dans un supermarché pour financer mes études de thèse en droit international. Dans 30 ans, il n’y aura bientôt plus d’immigrés en France pour ces petits boulots. Par contre, en Afrique, il y a une croissance démographique, réelle, qui a un potentiel.

La répartition des ressources

La question c’est la répartition des ressources et vous faites bien de dire qu’il y a une corruption des élites, mais qui est encouragée par une corruption ici. Le premier acte que Macron pose en Côte d’Ivoire, dans mon pays, c’est de financer un métro pour les ivoiriens. Un métro qui est produit par le consortium Bouygues. Mais là, il prend le temps de sortir les chinois de cette négociation et de mettre Bouygues en place [10]. Et pendant 30 ans nous allons payer ce métro, par une dette qui est là. Là où on a besoin d’éducation, de santé, M. Macron nous offre un métro, un métro ivoirien.

Quand on parle de dettes, comment on les rembourse ? Par les devises, et comment on obtient des devises, par l’exportation de matières premières. Mon pays est le premier producteur de cacao. Ça veut dire concrètement que des pays comme la Zambie ou le Ghana étaient autosuffisants alimentaires, en riz et en maïs, il y a 50 ans. Et aujourd’hui, ils sont obligés d’exporter de nouveau pour pouvoir acheter des devises, et pour pouvoir nourrir la population, acheter du riz. C’est incroyable.

Il y a une hypocrisie au niveau de l’UE, M. Bugada, il y a eu je crois le pacte sur le Mercosur [11] où on dit « On ne veut pas de viande d’Amérique Latine, du Canada ici en Europe ». Par contre, les lobbies de l’UE mettent la pression sur les États africains par la guerre économique, où on brise les tarifs douaniers de telle sorte que le lait qui vient de l’UE on peut l’acheter, alors que le petit commerçant, le petit agriculteur ivoirien, son lait est plus cher, les œufs locaux sont plus chers. Donc la réalité est là. Je suis en train de dire simplement qu’il ne faut pas être dans cette hypocrisie institutionnelle.

Par exemple, on est passé des OMD aux ODD. Je suis d’accord, que sur le plan éducatif, sur le plan de la santé les Nations Unies ont fait un gros travail. Mais en même temps il faut changer les paradigmes, d’une façon structurelle : c’est l’Élysée qui impose, ce sont les chefs d’État.

La problématique de la démocratie

Quand vous parliez de démocratie, la question est posée. Aujourd’hui nous la posons à Macron. Il a parlé d’historique, de ce que nous aurions intérêt à faire, alors que les droits élémentaires de la démocratie sont véritablement bafoués dans mon pays. Donc on ne peut pas lier forcément notre développement, le développement de l’Afrique à la démocratie.

Prenez l’exemple de Cuba dans l’éducation et la santé c’était un très bon exemple en matière de développement. Comme un autre pays le Rwanda, ce n’est pas un pays démocratique aujourd’hui, mais le Rwanda
est posé comme un exemple.

Donc ce paradis démocratique, franchement, la France des institutions, la France des discours ça m’ennuie beaucoup, mais je suis content qu’il y ait des gens comme vous qui parlent juste.

Jean-Pierre Bugada : Les institutions onusiennes

Écoutez, je ne dis pas que les OMD ou les ODD sont la panacée, sans doute qu’il y a un problème du côté des institutions. Je ne veux pas me prononcer pour les institutions européennes, mais en tout cas les institutions onusiennes sont ce que les États en font et les États sont ce que les peuples en font aussi.

Michel Magny : L’Anthropocène, une véritable bataille mondiale et globale.

La SDN a été créée au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale, ça s’appelait, c’est un très beau terme la « Société des Nations », j’aime énormément ce terme « la société ». L’ONU a été créée au lendemain de la 2e Guerre Mondiale. Aujourd’hui on voit que l’ONU n’arrive plus à répondre aux conditions de développement qui sont les nôtres. Je prends les questions qui nous sont posées, par exemple celle du climat : dans l’OMC, Organisation Mondiale du Commerce, vous avez, par exemple, un article qui stipule qu’il ne peut pas y avoir des mesures prises par un État qui contreviennent à la liberté de commerce.

Ce que je vous ai montré, c’est que le régime économique impose sa contrainte à l’ensemble des sociétés humaines et des écosystèmes terrestres. L’Anthropocène c’est une véritable bataille que nous avons à mener. Elle est mondiale, globale, puisque l’enjeu c’est l’écosystème terrestre dans sa globalité. C’est une crise systémique donc c’est du même ordre que la guerre 14-18, que la guerre de 40-45. Nous sommes face à une véritable bataille mondiale à mener. Moi, ce que j’espère, c’est que pour une fois, les institutions internationales anticipent. Parce que de toute façon, elles ne pourront pas suivre. Si on perd la bataille de l’Anthropocène, il n’y aura plus rien. Pour une fois, au lieu de transformer les choses après la guerre, j’aimerais bien que pour se mettre en ordre de bataille il y ait des institutions internationales, mais aussi européennes. Je crois que l’Europe a un énorme rôle de levier à jouer là-dedans. C’est quand même de là que sont venues à la fois les démocraties, mais aussi la fracture nord-sud avec l’extension du capitalisme à partir du XVe siècle. Donc, j’aimerais bien qu’il y ait des choses qui soient faites au niveau international pour qu’on puisse résorber les problèmes aussi bien au niveau écologique qu’au niveau social.

Jean-Pierre Bugada : Les Nations-Unies sont perfectibles, elles sont ce que les États en font et les États sont ce que vous en faites.

Les Nations Unies sont effectives : que feriez-vous, si vous n’aviez pas l’ONU maintenant qui vous donne les ODD, qui s’occupe de la lutte contre le SIDA, qui s’occupe du secours aux réfugiés, etc. ? L’OMC ne fait pas partie du système de l’ONU [12]. Donc il ne faut pas en tirer des arguments contre les Nations Unies, qui est la seule plateforme de gouvernance mondiale. Ce ne sera pas le G8 ou le G1 qui va vous sauver, ce ne sera pas le FMI, ce ne sera pas la banque mondiale. Soyons très clairs là-dessus. Les Nations-Unies sont perfectibles, elles sont ce que les États en font et les États sont ce que vous en faites.

https://www.rappler.com/newsbreak/fast-facts/42048-facts-united-nations-day

Notes :

[1Presses de Sciences Po, 2019

[2Facundo Alvaredo, Lucas Chancel, Thomas Piketty et Emmanuel Saze, Emmanuel Guzman : World Inequality Report 2018

[3Le capital au XXIe siècle, collection « Les Livres du nouveau monde », Paris, Le Seuil, 2013

[4Pour une révolution fiscale, janvier 2011, La République des idées/Seuil, avec Thomas Piketty et Camille Landais (ISBN 9782021039412)

Le Triomphe de l’injustice - Richesse, évasion fiscale et démocratie, Seuil, 2020, avec Gabriel Zucman.

[5Avec Emmanuel Saez (trad. de l’anglais), Le Triomphe de l’injustice - Richesse, évasion fiscale et démocratie [« The Triumph of Injustice : How the Rich Dodge Taxes and How to Make Them Pay »], Seuil, 2020

[6http://www.bsi-economics.org/1036-insuffisance-des-financements-atteindre-odd-jt

Cette analyse apporte un panorama de l’état actuel des financements publics en la matière et démontre qu’en l’absence d’une amélioration de la politique internationale, les ODD ne sauraient être atteints.

[7Cop 21, 12 décembre 2015. L’Accord de Paris est le premier accord universel sur le climat et le réchauffement climatique

[8Charte des Nations-Unies : Article 1

Les buts des Nations Unies sont les suivants :

1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde  ;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion  ;

4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-i/index.html

[9Burkina Faso : Ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron 28 novembre 2017 à 17 h 33 | Par Jeune Afrique « Quand vous voyez des familles de 6, 7, 8 enfants par femme, êtes-vous sûrs que cela soit le choix de la jeune fille ? Je veux qu’en Afrique, partout, une jeune fille puisse avoir le choix ».« C’est une conviction profonde qui m’a poussé à faire de l’égalité femme-homme une grande cause de mon mandat. La démographie peut être une chance mais à condition que chaque femme puisse choisir son destin » a-t-il ajouté.

[10Côte d’Ivoire. Emmanuel Macron pose la première pierre du métro d’Abidjan

Le président français a inauguré jeudi le chantier du métro d’Abidjan, un projet colossal de 1,4 milliard d’euros, qui sera réalisé par des groupes français et entièrement financé par un prêt français...(en) évinçant les sud-coréens Hyundai Rotem et Dongsan initialement choisis, (c’est) une victoire de taille pour le groupe français obtenue dans la foulée de l’accord de financement avec Paris.

https://www.ouest-france.fr/monde/cote-d-ivoire/cote-d-ivoire-emmanuel-macron-pose-la-premiere-pierre-du-metro-d-abidjan-5414482

[11
Accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne est un projet en négociation depuis l’an 2000. Suspendues en 2004, les négociations reprennent en mai 2013 et sont conclues le 28 juin 2019. Le vendredi 23 août 2019, le président de la République française Emmanuel Macron annonce toutefois que la France s’oppose à cet accord, en raison d’un désaccord majeur avec le Brésil au sujet de la déforestation et des feux de forêts qui ravagent l’Amazonie depuis plusieurs jours. https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_libre-%C3%A9change_entre_ le_Mercosur_et_l%27Union_europ%C3%A9enne

[12Bien que l’OMC ne soit pas une institution spécialisée de l’ONU, elle entretient depuis sa création des relations solides avec celle-ci et avec les organismes qui y sont rattachés. Les relations entre l’OMC et l’ONU sont régies par les “Arrangements en vue d’une coopération efficace avec d’autres organisations intergouvernementales — Relations entre l’OMC et l’Organisation des Nations Unies”, signés le 15 novembre 1995. Le Directeur général de l’OMC participe aux réunions du Conseil des chefs de secrétariat, organe chargé de la coordination au sein du système des Nations Unies.

https://www.wto.org/French/thewto_f/coher_f/wto_un_f.htm

L’OMC joue un rôle central dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de ses Objectifs de développement durable (ODD), qui sont déclinés en cibles à atteindre d’ici à 2030 dans des domaines tels que la réduction de la pauvreté, la santé, l’éducation et l’environnement. Les ODD mettent l’accent sur le rôle que joue le commerce dans la promotion du développement durable et reconnaissent la contribution que l’OMC peut apporter à la réalisation du Programme 2030.

https://www.wto.org/french/thewto_f/coher_f/sdgs_f/sdgs_f.htm


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