
Je voudrais faire remarquer qu’on parle des droits de l’homme, et que c’est quand même en Afrique qu’il y a eu la proclamation de la charte du Manden par Soundjata, quand c’était encore le grand grand Mali, qui allait jusqu’à la mer. C’est là qu’il y a eu en 1222, le « serment des chasseurs » qui était la première charte véritablement des Droits de l’Homme, où le roi reconnaissait qu’effectivement toute personne y compris les esclaves, avait droit au respect exactement comme tous les autres.
La Charte du Manden ou Manden kalikan [1]
1. Les chasseurs déclarent :
Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie,
Mais une vie n’est pas plus « ancienne », plus respectable qu’une autre vie,
De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.
2. Les chasseurs déclarent :
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation.
Par conséquent,
Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.
3. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun vénère ses géniteurs,
Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que chacun « entretienne », pourvoie aux besoins des membres de sa famille.
4. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur le pays de ses pères.
Par pays ou patrie, faso,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car « tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendrait aussitôt nostalgique. »
5. Les chasseurs déclarent :
La faim n’est pas une bonne chose,
L’esclavage n’est pas non plus une bonne chose ;
Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans ce bas monde.
Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc,
La faim ne tuera plus personne au Manden,
Si d’aventure la famine venait à sévir ;
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves ;
C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour allez le vendre ;
Personne ne sera non plus battu,
A fortiori mis à mort,
Parce qu’il est fils d’esclave.
6. Les chasseurs déclarent :
L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour,
« D’un mur à l’autre », d’une frontière à l’autre du Manden ;
La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle épreuve que le tourment !
Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours.
L’esclave ne jouit d’aucune considération,
Nulle part dans le monde.
7. Les gens d’autrefois nous disent :
« L’homme en tant qu’individu
Fait d’os et de chair,
De moelle et de nerfs,
De peau recouverte de poils et de cheveux,
Se nourrit d’aliments et de boissons ;
Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :
Voir qui il a envie de voir,
Dire ce qu’il a envie de dire
Et faire ce qu’il a envie de faire ;
Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine,
Elle en souffrirait
Et s’étiolerait sûrement. »
En conséquence,
Les chasseurs déclarent :
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
Tel est le serment du Manden
À l’adresse des oreilles du monde tout entier.
Texte réécrit par Youssouf Tata Cissé dans « Soundjata, la Gloire du Mali », éd. Karthala, ARSAN, 1991 – Article N° : 1621 http://africultures.com/la-charte-du-manden-1621/