Terre des Hommes – Délégation du Doubs
Pour le droit à vivre dignes

Site de la délégation départementale du Doubs (DD25) de l’ONG Terre des Hommes France

La culture, une lutte permanente pour la défense des Droits humains
Article mis en ligne le 22 novembre 2016
dernière modification le 23 novembre 2016

par Henry Morales, Tzuk Kim Pop
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Article de Henry Morales, Mouvement Tzuk Kim Pop, Guatemala, publié dans Le droit à la culture – Actes de la formaction 2016, Terre des Hommes – Délégation du Doubs.
Traduction des éditeurs

La culture, le moyen d’être reconnu pour les peuples exclus

Le terme « culture » au Guatemala renvoie à une conception de la vie fondée sur la relation directe avec son histoire et avec ses peuples. Elle révèle des principes philosophiques, une vision du monde, des valeurs et une identité plurinationale avec l’existence de quatre peuples (Maya, Garifuna, Xinca et Mestizo). La culture est aussi une sagesse, une tradition et une connaissance. Dans le cas du Guatemala, la culture est devenue une manifestation de lutte et de résistance pour atteindre la justice sociale, économique et politique, depuis l’époque de la Conquête jusqu’à nos jours. La culture est le moyen d’atteindre la reconnaissance que des peuples restent exclus et marginalisés de par leur statut social et économique.

Le Mouvement Tzuk kim-pop une instance de coordination entre ONG et instances élues

Le Mouvement Tzuk kim-pop [1] est une instance de coordination entre des organisations sociales et non gouvernementales qui y développent une analyse politique et élaborent des programmations des relations cordiales avec la plupart des « gouvernements » municipaux de la région.

Ce travail est fondé sur la conviction que c’est seulement par une participation consciente et cohérente la plus large possible de tous les secteurs que peut se forger le modèle des interactions sociales dont l’esprit est contenu dans les Accords de paix [2] et les propositions émanant des secteurs populaires organisés de la région de l’Altiplano occidental (Haut plateau occidental) du Guatemala.

Le Mouvement Tzuk Kim-pop se donne pour mission :

  • de promouvoir le renforcement des mouvements sociaux en dévelop­pant des actions qui visent à renforcer les capacités organisationnelles des femmes, des jeunes et des peuples autochtones ainsi que des mécanismes et instruments aptes à susciter le dialogue et la négociation politique avec les administrations municipales, le gouvernement central et la coopération internationale
  • de générer, avec la participation des citoyens, le dialogue politique sur le développement intégral et les droits économiques, sociaux, culturels, et environnementaux dans l’Altiplano occidental et le plaidoyer sur les politiques publiques tout en développant une recherche multidisciplinaire dans le domaine du développement durable, entre autres sujets.

La culture : base de la construction d’une nouvelle société

Dans nos codes de communication nous utilisons le terme de « culture » pour tout ce qui historiquement a évolué ou a été développé comme une forme ou un mode de vie. Par exemple : la discrimination est un phénomène qui s’est installé sur un plan culturel ; le sexisme dans notre société s’est accentué de par nos habitudes de vie, mais il est aussi culturel. Que nous en soyons d’accord ou non, la culture au Guatemala s’est maintenue avec cette perspective : la culture propre des peuples autochtones, qui se sont maintenus et se sont battus pour défendre leurs origines, leurs coutumes, leurs modes de vie, leurs langues, leurs costumes et leurs croyances face à une culture « occidentale » qui a cherché précisément à annihiler cette autre « culture » des peuples. Et voilà à partir de quoi nous générons la résistance sociale et politique, pour que la « culture » soit en fait la base de la construction d’une nouvelle société, où tous et toutes puissions nous retrouver.

La culture, une lutte pour la reconnaissance des 24 langues autochtones

La reconnaissance de notre diversité linguistique a été l’un des principaux nœuds de la lutte et de la résistance qui se sont développées au cours des dernières années. Nous sommes un pays où pas moins de vingt quatre autres langues que le castillan [3] sont parlées. Ces langues représentent plus de 70% de la population. Mais le système politique et constitutionnel ne les reconnaît pas en tant que telles. L’éducation est officiellement donnée en castillan. L’une de nos revendications historiques est que toutes les langues autochtones devraient être officiellement reconnues et formalisées, à l’oral comme à l’écrit. C’est un préalable à la poursuite du développement. Dans chaque ville, dans chaque territoire du pays sont maintenues vives toutes les langues autochtones et on a pu dans certains cas mettre en place une éducation bilingue à caractère interculturel.

Officiellement, la langue castillane (l’espagnol) est parlée dans tout le pays. Dans la pratique, chaque village, chaque communauté ou groupe conserve sa propre langue comme moyen de communication, de coexistence. Au sein même des langues on trouve des différences orales telles que, dans de nombreux cas, le castillan est le moyen de compréhension mutuelle. Dans notre pratique, nous cherchons à avoir du personnel bilingue, capable d’interagir directement avec les groupes ou les personnes avec lesquels nous travaillons.

Le Mouvement Tzuk Kim-pop a comme objectif et comme priorité la défense des droits culturels qui doivent être assurés dans chaque ville et à chaque communauté linguistique. Ces droits sont violés et niés en permanence. Dans notre pratique d’accompagnement, chacune des activités développées est réalisée dans les langues des communautés concernées, et en pleine conformité avec leurs coutumes, leur identité et leurs pratiques.
La diversité culturelle fait partie de notre méthodologie de travail avec les communautés. Essentiellement, nous travaillons à éviter les attitudes qui engendrent la discrimination ou les conflits interculturels.

Maintenir et développer des pratiques artistiques larges et diversifiées

Dans ce cadre, il existe une pratique artistique large et diversifiée que nous cherchons à maintenir active au niveau communautaire, en particulier avec les enfants et les jeunes. Une limitation a été le manque de soutien de l’État pour la culture en termes artistiques, ce qui rend difficile de promouvoir des programmes plus permanents qui encouragent et développent toutes les initiatives culturelles existantes. Leur développement demeure un objectif important.

Les activités artistiques et culturelles propres aux peuples du Guatemala sont développées et promues avec un grand profession­nalisme. L’un des objectifs est de promouvoir ces connaissances parmi les nouvelles générations, en particulier les jeunes, et l’on cherche à ce que ce soit les artistes expérimentés eux-mêmes qui transmettent ces connaissances et ces pratiques.

Cela nous permet de faire en sorte que les traditions, les connaissances, l’expérience soient transmises de génération en génération et ainsi de maintenir vives notre histoire, notre identité, nos droits et nos modes de vie. Tout cela est très lié à notre vision cosmogonique et à la recherche d’une harmonie avec les ressources naturelles et l’environnement.

Orienter la tradition vers vers une lutte permanente pour la défense de nos droits et des droits de l’homme en général

Étant donnée notre philosophie de la vie, les traditions sont un pilier fondamental qui maintient en vie l’histoire, la raison d’être de nos peuples. Dans ce domaine, la tâche la plus importante est d’orienter la culture, nos coutumes, notre identité, vers une lutte permanente pour la défense de nos droits et des droits de l’homme en général.

La culture doit être un moyen d’évoluer vers des sociétés où les droits sont à la base de notre vie sociale, politique, économique et environnementale. Cette tâche a toujours été difficile, du fait que le système néolibéral où nous vivons est par nature violent et agit à l’encontre de ces droits inaliénables que les peuples ont, historiquement, toujours demandé, et qu’ils continuent à demander.

La culture, facteur d’émancipation

Nous concevons la culture comme un moyen d’émancipation, non seulement politique, mais aussi sociale, économique, environnementale et culturelle. Historiquement, la culture a toujours servi à préserver l’histoire, l’identité, les coutumes et les pratiques anciennes de nos peuples, de nos ancêtres. Une culture qui ne s’identifie pas avec les droits, avec la vie en général, perd sa force de vie et est condamnée à disparaître. D’où l’importance que nos liens culturels, dans toute leur diversité, soient toujours maintenus, et tissent une continuité entre notre passé, notre présent et notre avenir.

Opposition entre culture occidentale et culture nationale ?

Chaque culture a des histoires et des fondements liés directement à l’évolution sociale, politique, économique, de chaque peuple. Dans la mesure où la diversité culturelle est respectée, est reconnue et reste libre, il ne devrait y avoir ni dévalorisation ni négation. Dès lors qu’un peuple veut imposer ses croyances, ses coutumes, son histoire, ses modes de vie, ceux qui se sentent attaqués luttent pour défendre leur souveraineté, leur autodétermination et leur liberté. C’est alors qu’il y a une opposition et le déni d’une culture par une autre.

La déclaration de Fribourg et nos pratiques

Nous pouvons conclure que la déclaration de Fribourg propose une définition large, émancipatrice et inclusive à laquelle nous nous identifions.

Notes :

[1www.tzukimpop.org et www.terredeshommes.fr

Tzuk Kim Pop a collaboré aux publications des Actes des form’actions précédentes. Voir Pour la reconnaissance des peuples autonomes guatémaltèques p. 140 in L’émancipation par les droits (2013) – L’émigration, un coût social élevé p. 108 in Migration, émigration, enfants migrants (2014) – L’exercice de la citoyenneté doit avaoir un objectif clairement politique p. 146 in Citoyenneté ici et ailleurs (2015).

Exposition gratuite disponible : Ukabal Tinimit, voir : Ukabal Tinimit - Le pouvoir des peuples, au Guatemala

[2Après trente ans de conflits armés, des accords de paix sont signés en 1996, avec l’intervention diplomatique des pays voisins d’Amérique Centrale et de l’Union Européenne. Ces accords sont au nombre de trois : Accord sur l’identité et les droits des populations indigènes, Accord global de droits de l’Homme et de renforcement du pouvoir civil ainsi qu’Accord sur les aspects socio-économiques et sur la situation agraire.

Vingt ans après leur signature, les résultats sont presque inexistants. Par ailleurs, malgré la pertinence de ces accords, le fait qu’ils soient conclus séparément a une conséquence sur la cohésion sociale nationale au Guatemala : il n’y a pas eu de proposition nationale pour une organisation harmonieuse entre les populations qui sont autochtones et celles qui ne le sont pas.

[3L’espagnol.



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