Terre des Hommes – Délégation du Doubs
Pour le droit à vivre dignes

Site de la délégation départementale du Doubs (DD25) de l’ONG Terre des Hommes France

Le parcours de la famille de Kimlay Annie
Témoignage
Une réfugiée politique arrivée en France en 1981 à Besançon, pendant le régime des communistes khmers rouges 1975-1979.
Article mis en ligne le 3 juin 2018
dernière modification le 4 juin 2018

par Kimlay Annie
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Annie Kimlay, Lucile Garbagnati

Annie Kimlay

La porte de l’enfer s’ouvre.

Cambodge le 17 Avril 1975, trois jours après le Nouvel an khmer. Jour fatidique, l’arrivée de l’armée des communistes khmers rouges avec Pol Pot leur chef à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. La capitale et les villes sont vidées des habitants. C’est le début de la déportation, comme au temps des allemands avec les Juifs. La porte de l’enfer s’ouvre. Nous sommes entrés dans le régime de terreur des khmers rouges, Pol pot.

J’ai vécu pendant quatre ans le régime communiste khmers rouges, le régime d’extermination des intellectuels, des gens de l’ancien régime, par la faim, les travaux forcés, le massacre, un génocide. Le régime a fait de un million huit cents mille à deux millions de morts.

En 1975, certains Cambodgiens avaient pu fuir en passant par la Thaïlande. Les premiers arrivés en France ont raconté l’exode des Cambodgiens, mais personne ne les a crus. Le Cambodge était fermé au monde extérieur.

L’entrée dans le cycle infernal de la guerre

En 1970, le général Loun Nol fait un coup d’état, pendant que le Roi Norodom Sihanouk esr en Chine. Il prend le pouvoir au Cambodge, créant la république avec l’aide de l’armée américaine qui se trouve déjà au Vietnam. Nous entrons dans le cycle infernal de la guerre.

En 1973, Sihanouk appelle le peuple à prendre le maquis. Il s’allie avec « l’armée du peuple », les khmers rouges, commandé par Pol Pot, pour lutter contre Lon Nol et les envahisseurs américains. Les bombardements des américains sur les zones des khmers rouges renforcent la résistance, fortifiant ainsi les khmers rouges.

En 1975, le 31 décembre, Sihanouk rentrait à Phnom Penh en ayant hésité pendant trois mois. Il est assigné à résidence par Pol Pot.

En 1979 le 6 Janvier, l’arrivée des Vietnamiens triomphants chasse les khmers rouges, Sihanouk retourne en Chine. En Novembre, à Paris Sihanouk déclare n’avoir pas eu connaissance des événements dramatiques pendant le régime de Pol Pot au Cambodge.

Une population civile sans défense

Depuis l’année 1970, nous étions dans la province de Kampong proche de la capitale Phnom Penh. Mon mari tenait le poste de médecin chef de l’hôpital et directeur de santé. Je travaillais dans notre clinique, médecine générale et obstétrique en tant que sage-femme d’état. Avec les affrontements et les bombardements nous avions laissé nos enfants dans notre maison à Phnom Penh avec ma mère et mes frères et sœurs ; nous pensions que la famille était plus à l’abri dans la capitale.

1975 : les routes étaient bloquées par les khmers rouges qui encerclaient déjà la province. Nous avons quitté la province pour Phnom Penh par hélicoptère, qui évacuait les hauts fonctionnaires.

Les forces américaines ont décidé le 12 Avril 1975 de quitter définitivement le Cambodge et le Vietnam ; le général Loun Nol est parti avec eux, nous laissant sans défense entre les mains des communistes khmers rouges triomphants, qui envahissent tout le Cambodge

L’évacuation de Pnom Penh

1975, le 17 Avril à l’aube, les forces de khmers rouges entrent à Phnom Penh, ils font partir les habitants rapidement qui emportent ce qu’ils peuvent. « En quelques jours, on nettoie la ville des ennemis du régime républicain », clament ils. Et, si une famille ne veut pas partir de sa maison, ils n’hésitent pas à lancer des grenades dans la maison. C’est l’exode. Il ne reste que l’équipe des délégués français CICR, la seule présence humanitaire sur place, qui aide à évacuer les gens par avion.

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En partant de la province, mon mari est allé travailler à l’hôpital. Je suis tombée malade et venais d’être opérée. Nos filles et toute ma famille étions à la maison au centre de la capitale. Nous avons supplié les soldats khmers rouges de nous laisser rentrer à la maison pour être avec notre famille. Ils nous ont ordonné de rester à l’hôpital. Du haut du batiment nous avions vu que les rues sont noires du monde, les vagues des habitants qui partaient avec ce qu’is pouvaient transporter.

Les malades ont été évacués par camions, nous avions remarqué que ces camions revenaient vides au bout de dix minutes, plus tard nous avons su que les khmers rouges les avaient achevé

Nous avons essayé de rejoindre nos filles et notre famille à la maison, mais ce fut impossible. Nous avions vu depuis l’hôpital à l’étage que toutes les rues étaient noires de monde à pied avec peu de bagages, c’était la déportation. Et nos filles ? Notre famille ? Où sont-ils ? Comment font-ils ? Je deviens folle. Comment savoir oû ils ? Il fallait porter les affaires ! Comment pourront ils se nourrir sur les route ? Et il ne fallait pas s’arrêter, tant qu’on se trouve encore dans la ville. J’étais dans le désespoir, la peur, je n’arrètais pas de pleurer, impuissante, séparée de mes filles, comme çà !

La peur d’être achevée

Au bout d’une semaine vint notre tour d’être évacués de l’hôpital. Je ne voulais pas montrer que j’avais du mal à marcher avec ma cicatrice au ventre, sinon sans doute ils m’auraient achevée.

A vingt kilomètre de la capitale, ils nous ont lâchés sur la route en nous disant de ne pas quitter l’endroit. À nous de nous débrouiller pour tout. Nous n’avions rien, à part quelques vêtements, des bricoles, certains médicaments qu’on a trouvés à l’hôpital. Les autres pareil, chacun pour soi. Nous nous sommes mis à l’abri dans une tranchée. Mon mari a cherché des branchages pour faire une espèce d’abri nous protégeant du soleil et de la pluie. Malgré l’interdiction, malgré ma douleur suite à l’opération, dès que j’ai un peu de force, je me traînais pour aller voir où il y avait des gens essayant de trouver mes filles et ma famille. Rien. Sans nouvelles. « Je ne peux pas vivre comme çà », me disais-je tout le temps avec des sanglots.Nous avons pu trouver un peu de la nourriture dans des maisons abandonnées.

L’argent, les riels et les dollars ne valaient plus rien. Il n’y avait plus de monnaie. Au début on pouvait encore échanger la nourriture ou autres choses avec de l’or.

Nous n’étions plus dans le monde des vivants

Au bout de quelques semaines, « l’Angkar », c’est-à-dire le chef suprême anonyme de l’organisation, a regroupé tous les gens, hommes, femmes, enfants, y compris nous, pour embarquer dans des petits bateaux de fortune, pour une destination inconnue, en remontant le fleuve. On était entassé et les embarcations risquaient de couler. Deux jours après être arrivés en terre ferme à la province de Kompong Chnang, en remontant vers l’Ouest, nous avons passé la nuit avec les autres, pas de lumière dans des maisons abandonnées, cherchant à nous nourrir. La ville était déserte. Nous avions des frissons dans le dos, c’était la peur.

Le lendemain, on nous a fait tous monter dans des camions qui sont arrivés avec un groupe des khmers rouges, ils sont bien armés. Ils nous font déplacer vers l’Ouest, nous avons passé des nuits dans le camion. Un matin les camions ont quitté la route nationale et se sont enfoncer dans la forêt par les petits chemins, j’ai senti que nous n’étions plus dans le monde des vivants. J’ai senti le trajet interminable. Au milieu du plus profond de la brousse ils nous font tous descendre des camions sans explications et ont rebroussé chemin.Il y avait aussi des enfants !

Lâchés au milieu de nulle part, chacun essayait de trouver des abris et de quoi manger. Avec des branche d’arbres nous avons fait notre abri, dormant sur le sol. Il y a eu des gens qui allaient dans la forêt pour trouver de la nourriture ou des habitants, ils ne revenaient pas. Il ne fallait pas s’aventurer dans cette forêt on ne trouvait rien et on se perdait.

Nous, mon mari et moi avions économisé le peu de nourriture et d’eau qui nous restait. La nuit noire, nous avions peur des bêtes car il n’y a pas du feu. On entendait les enfants qui pleuraient. C’était terrible pour moi en pensant à mes filles qui ont du subir le même sort. Je n’ai plus l’espoir de les retrouver. Dans quelle région se trouvent elle ? C’était pour nous éliminer naturellement qu’ils nous ont laissés là, nous, les gens de villes, pensant que nous n’arriverions pas à survivre dans la nature.

Au bout d’une semaine les gens autour de nous, du même voyage, commençaient à dépérir de faim, de maladie, les enfants mourraient. Nous pensions : « Çà va être pareil pour nous...le même sort pour nos filles et notre famille. »

Le travail forcé dans la forêt

Un matin, nous étions déjà très faibles, les soldats khmers rouges sont arrivés. Ils ont récupéré tous ceux qui pouvaient encore marcher, le peu de personnes qui étaient encore debout. On les suivaient à travers la forêt ; ils laissaient en route les personnes qui avaient du mal à suivre. Nous avons atteint une sorte de clairière. Il y avait des sortes de hangars sans murs avec des toits en chaume. Ils nous comptaient, quelqu’un notait les noms, le métier, de quelle ville on venait. Mon mari et moi avons caché notre identité et notre profession. Nous étions des petits commerçants. Et pendant les déplacements nous avions détruit nos papiers.

Ils nous logeaient dans les hangars sans murs. Nous partagions avec les autres le peu de place pour nos rares affaires et pour dormir. Ils ont séparé les hommes des femmes, et les enfants des parents à partir de cinq ans. Les petits restaient avec les vieillards qui travaillaient pas loin du camp. Ceux là ils succombaient vite de faim, d’épuisement et de maladie.

C’était une sorte de camp pour les nouveaux, comme nous, les gens de la ville. Les soldats des khmers rouges se logeaient dans leurs maisons avec toute leur famille dans le confort et le bien manger.

Nous avons appris que nous étions dans la région de la province de Battambang qui touche la frontière de la Thaïlande, mais au fin fond de la forêt dense avec la présence des montagnes.

Les hommes partaient travailler toute la journée sous la pluie et le soleil brûlant pour creuser les canaux,ou couper des grands arbres dans la forêt. Ils n’avaient que de l’eau à boire, de l’eau du canal qu’ils venaient de creuser, l’eau sale. Ils auront droit chacun à un bol de bouillon de riz, le soir, en rentrant dans le camp.

Les femmes travaillaient dans les champs de riz, repiquer le riz, transporter les bottes de tiges de riz toute la journée. Le même traitement que les hommes.

Les enfants à partir de cinq ans allaient ramasser les tiges de riz et faire de l’engrais avec des excréments des bœufs. Ils avaient droit au même traitement que les adultes pour la nourriture.

A côté du camp vers les maisons des familles des soldats khmers rouges, il y avait des potagers ou des arbres fruitiers, c’était tentant quand on avait faim. Ceux qui avaient volé un fruit ou un légume, même les enfants, subissaient des coups de battons et une réduction de la ration. Ceux là sont souvent morts peu de temps après.

Je ne voyais mon mari que de loin, il paraissait très faible. Et moi, je n’étais plus qu’une ombre.

Les khmers rouges commençaient à enquêter pour trouver les intellectuels, les militaires, les fonctionnaires. Le massacre débutait. J’ai su qu’ils avaient tué des familles entières avec des coups de pioche. Mon mari allait avec les autres hommes ramener les habits des morts dans les fosses.

Et le massacre continuait. Je sentais qu’ils allaient nous éliminer tous. Tous, nous n’avions plus la force de nous sauver. L’espoir de revoir la famille, la route nationale, la ville, nous avaient abandonnés.

Le travail variait tous les trois mois, les hommes se déplacaient de plus en plus loin du camp, ils dormaient sur place des fois sans abri. Ils sont moins résistants à la faim que nous les femmes.

J’ai su que mon mari, il lui arrivait de ne pas pouvoir se mettre debout. Il a fini par être abandonné, laissé pour mort dans une sorte de centre de soin de fortune où il se trouvait, sans pouvoir suivre le groupe de travail. C’était inhumain.

Un bracelet en or contre une poignée de sucre sauve la vie de mon mari.

J’ai pu cacher mon bracelet en or depuis l’exode , ce qui me restait, sans réfléchir aux conséquences, car je pouvais me faire tuer par ce geste en étant traître au régime. Je l’ai échangé contre une poignée de sucre de canne avec la femme d’un militaire khmer rouge. J’ai demandé l’autorisation d’aller voir mon mari mourant. Ayant eu la permission, et en cachant le sucre, j’arrivais à rejoindre mon mari avec difficulté et en mettant du temps à cause de mon état de faiblesse. Il était mourant, il était gonflé de partout, on ne le soignait pas, on le laissait mourir. Il a mangé la moitié du sucre, il a pu se mettre assis. L’œdème partait doucement, il était sauvé. Je lui ai laissé le reste du sucre. « Qu’il le cache bien avant de le finir ! ». Je retournais au camp. J’ai eu vraiment de la chance, qu’ils n’aient pas découvert ce que j’avais fait. Deux jours après, j’ai su que mon mari allait un peu mieux et avait été désigné pour labourer les champs de riz au lieu d’aller creuser les canaux. Il allait mourir de faim et d’épuisement, le sucre l’avait sauvé !

La fuite

Par la suite, des rumeurs nous sont parvenues que les Vietnamiens attaquaient le Cambodge. Les khmers rouges nous ont poussés vers la frontière de Thaïlande en allant par la montagne. Dans l’affolement, nous n’étions plus surveillés. Chacun se débrouillait pour trouver le chemin inverse pour rejoindre la ville de Battambang en cherchant la nourriture le long du chemin.

Avec quelques survivants et compagnons de route, pieds nus, traversant la forêt, nous avons mis trois jours pour atteindre la route nationale. A certains endroits nous avions vu des fosses communes avec des morts récents, les gens massacrés par les khmers rouges.

Arrivés à l’hôpital de la province de Battambâng, à bout de force, mon mari et moi tombions malades. Nous restions logés dans l’hôpital, nourris et soignés. Il y avait des médecins survivants du régime des khmers rouges qui avaient repris la fonction.

Nous étions libérés de l’enfer beaucoup plus tard que les autres et retournés au monde des vivants qu’après mai 1979.

Même dans un hôpital, nous sommes vivants, dans un monde normal.

Nous avons appris que beaucoup de gens, les anciens intellectuels survivants des quatre ans de génocide, allaient rejoindre les camps des réfugiés à la frontière de la Thaïlande. N’ayant confiance ni dans le nouveau chef du pays ni dans les Vietnamiens, ils fuyaient l’invasion des vietnamiens. Il y avait des camps officiellement dirigés par le UNHCR (l’agence des Nations Unies pour les réfugiés) à la frontière de Thaïlande : le Camp de Khao I Dang, pour accueillir les réfugiés, les aider à rejoindre leur famille dans un pays tiers ou aller vivre dans un pays qui leur offre l’asile. Aller en Europe pour les Cambodgiens c’est la sécurité, la liberté, la justice, le régime social.

Le 6 Janvier 1979 Le Cambodge est libéré du régime communisme khmers rouges avec le chef Pol Pot, par l’armée vietnamienne. C’est la colonisation du Cambodge par le Viet-Nam.

Nous sommes toujours à Battambang. Nous avons repris des force, nous n’avons pas faim, nous avons eu des vrais repas, pas de travaux forcés. Nous sommes dans un logement normal, même dans un hôpital, nous sommes vivants, dans un monde normal. Mon mari aide à soigner les malades avec les autres médecins. Ils travaillent avec ce qu’ils trouvent dans l’établissement.

Retrouvailles.

Un jour en allant sur la route voir les gens qui partaient à pied pour joindre le camp des réfugiés de Khao I Dang, nous avons retrouvé ma mère, mes enfants, mon frère et mes sœurs. Ils partaient rejoindre le camp des réfugiés à la frontière.

Ma famille, mes filles ont vécu dans l’enfer. À l’arrivée de l’armée des khmers rouges, elles sont parties de Phnom Penh, par l’autre bout de la capitale, à l’inverse de nous. Elles ont été obligées de traverser le fleuve dans des petites embarcations. Les gens mourraient sur la route de la dysenterie y compris notre grand-mère de 80 ans, ils l’ont enterrée comme ils ont pu. Ils ont continué la route, avec ce qu’ils avaient pu transporter sur deux vélos qu’ils avaient avec eux, au Nord, jusqu’à la province de Kampong Thom. Nous, on était à l’Ouest.

Mes filles n’arrêtaient pas de pleurer dans nos bras. Elles nous racontaient qu’elles avaient faim, elles pleuraient souvent en nous cherchant, elles ne comprenaient pas pourquoi tout celà arrivait, les plus grandes (cinq et sept ans) travaillaient dans les champs sous le soleil, la pluie, dormaient même sans abri, sous un arbre, elles faisaient partie d’un groupe d’enfants, elles étaient souvent malades.

L’aînée, elle, était très malade. Ils l’avaient abandonnée sous l’arbre à côté d’un village. Une femme l’avait recueillie et l’avait soignée avec des racines et l’avait sauvée. Il existe quand même des âmes charitables dans le malheur. La femme lui avait donné d’autres habits. Sachant où se trouvait sa grand-mère, elle l’avait ramenée à ma mère qui était avec la plus jeune de mes filles (trois ans) au camp de regroupement des vieillards et des enfants très jeunes.

A l’arrivée des Vietnamiens mon frère, mes sœurs, mes filles se trouvaient avec ma mère, ils avaient fait le voyage à pied, des jours et des jours pour arriver à Phnom Penh retrouver notre maison. Ils étaient vivants, libérés, ils n’avaient pas la peur de se faire massacrés, ils pouvaient trouver à manger à leur faim. Nous avions perdu des frères massacrés, ils étaient fonctionnaires et militaires, et des sœurs étaient disparues.

Construire l’avenir de nos filles dans un pays tiers

Mon frère m’a dit qu’avec le régime communiste de Hun Sèn, avec les vietnamiens, tous nos biens étaient confisqués, maison, terres, et tout le reste distribué aux gens du parti, des nouveaux au pouvoir. Nous, ceux de l’ancien régime nous ne sommes pas bien acceptés malgré ces années dans l’enfer, et c’est même dangereux de vouloir rester dans la capitale.

Alors mon frère a accompagné la famille pour se rendre au Camp de UNHCR : Khao I Dang . Et nous nous sommes retrouvés. Nous avons décidé de quitter le Cambodge. Que nos enfants n’aient plus à revivre ces atrocités, ces souffrances, cette peur, de vivre comme des bêtes !

Nos filles retrouvées, vivantes, je pleure de bonheur. Nous pensons à construire leur avenir dans un pays tiers. Au Camp de UNHCR, on nous aidera à retrouver notre frère aîné qui se trouvait en France depuis 1970. Et il pourrait nous faire venir en France par le rapprochement familial.

Passer la frontière du Cambodge en Thaïlande en clandestins

C’est très difficile pour atteindre le Camp des réfugiés à la frontière et il y a beaucoup de dangers.

Déjà il fallait trouver un passeur qui accepte notre situation : nous n’avions pas d’argent, ni d’or pour payer. Nous trouverons notre frère en France, il pourrait nous envoyer de l’argent pour payer le passeur. Il ne nous ménagerait pas, si nous ne tenions pas notre engagement.

En groupe avec le passeur, il faut traverser la forêt qui sépare la ville du Camp. À la frontière, passer entre les lignes des forces des anciens khmers rouges, celles des résistants, et l’armée des Thaïlandais. On pourrait tomber sur les champs de mines et se faire sauter. Faire la traversée de la forêt dans la nuit noire, sans étoiles, se tenant pas la main pour ne pas se perdre, marcher en s’enfonçant dans l’eau boueuse à certains endroits, marcher dans les ronces en se blessant, sans faire de bruit, les enfants sur les épaules. En traversant un flanc de la montagne, les gens qui étaient devant nous, se sont fait tuer par des mines. C’était interminable. Des fois on était obligé de se coucher dans la boue, sans bouger, attendant que la patrouille de l’armée nous dépassât. On ne savait même pas quelle était l’armée !

À l’entrée du Camp de Khao I Dang, le passeur est allé négocier avec les gardiens thaïlandais armés, en donnant une somme d’argent. Sinon ils nous tiraient dessus, car le Camp se trouvait dans le territoire thaïlandais, nous étions des clandestins qui voulions passer la frontière.

Nous avons pu rentrer dans le Camp avec les autres du groupe, le passeur nous a caché dans des cabanes en attendant de pouvoir régulariser notre situation, en nous faisant enregistrer pour être dans les règles, et avoir une petite cabane pour toute la famille et avoir droit à la ration distribuée chaque semaine. Nous commençons à chercher par la voie de UNHCR le sponsor ou la famille dans les pays tiers. Nous avons fait rechercher notre frère en France ; la famille dans le pays tiers pouvait envoyer des recherches dans le Camp. Nous allions voir les affiches des recherches devant le bureau de UNHCR.

Arrivée en France à Besançon

En 1981 au mois de mars en France

A Besançon : après le Foyer de l’AFCAR, aidés par le Père Gilles Claude, nous avons pu être installés dans un appartement à Planoise, avenue Ile de France.

Nous étions à l’époque des francophones au Cambodge, nous n’avons pas eu la barrière de la langue. Nous avons tout perdu, notre famille, nos biens, notre pays, nous arrivions les mains vides, nous devions tout recommencer à zéro.

Nous avons pu faire valider nos diplômes par la voie des Associations des anciens corps médicaux à Paris. Malgré cela nous avons été déclassés professionnellement et ça a été dur pour nous.

Nous avons pu avoir du travail à l’hôpital St-Jacques, mais les premières années nous avons eu du mal à subir la pression des supérieurs. Après deux ans de travail nous avons demandé la nationalité française et nous l’avons obtenue, nous devenons alors des fonctionnaires.

Intégration et biculturalisme

Elles se sont bien intégrées, elles ont deux cultures, l’une cambodgienne par la famille et l’autre française par l’école. Elles se sont bien rattrapées à l’école bien que déjà grandes en arrivant.

Maintenant elles ont toutes de bonnes situations

L’aînée qui est arrivée à l’âge de 12 ans, a obtenu deux maîtrises en droit en France et en Angleterre ; elle est conseillère juridique à Paris. La seconde a passé un BTS commercial, elle a créé sa propre boîte à côté de Paris. La troisième travaille comme conseillère d’entretien à la Mission locale de Besançon. Elles ont toutes des maris français.

Nous sommes devenus des membres actifs de l’Association des Cambodgiens de Franche Comté créée en août 1979 par nos aînés, les anciens étudiants à Besançon.

Nous essayons de sauvegarder notre culture, nos coutumes, notre tradition, et de vivre en nous intégrant à la société française, en respectant la loi, en connaissant le devoir de citoyens français, en respectant les Droits de l’Homme dans ce pays qui est la France et qui est notre terre d’asile.

Association des Cambodgiens de Franche-Comté

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