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Lettre au Président de la République, au premier ministre, au ministre de l’intérieur , au ministre des solidarités et de la santé
Les États Généraux des Migrations dénoncent les graves difficultés auxquelles sont confrontées les personnes étrangères en cette période de pandémie. Ils sollicitent de la part du gouvernement la mise en œuvre de mesures de protection en matière de droit au séjour, de mise à l’abri des personnes et de gestion de l’urgence sanitaire.
https://eg-migrations.org/Covid-19-Les-EGM-interpellent-le-gouvernement
2 avril 2020
Objet : pandémie du Covid-19 et situation des populations fragiles, particulièrement d’origine étrangère
Monsieur le Président de la République,
La pandémie due au COVID-19 et le passage de notre pays au stade 3 du plan de prévention, avec la fermeture de quasiment tous les lieux publics et le confinement généralisé des populations sauf « nécessités vitales », soulèvent nombre de problèmes pour les personnes de nationalité étrangère, et particulièrement les plus fragiles d’entre elles, les personnes sans papiers et les exilé.e.s.
La dynamique des États généraux des migrations, qui a été lancée en 2017 et rassemble une centaine d’assemblées locales d’associations et collectifs informels sur l’ensemble du territoire national, ainsi qu’une vingtaine d’associations nationales, souhaite vous faire part des questions et difficultés qui se posent pour ces personnes et pour celles et ceux qui les soutiennent, et vous demander de prendre d’urgence les dispositions qui s’imposent dans cette situation.
1. Mesures concernant le droit au séjour
* En premier lieu, nous joignons notre voix à celles des autorités indépendantes et organisations associatives - Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Observatoire de l’enfermement (OEE), Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) - qui réclament la fermeture de tous les lieux d’enfermement des étrangers (Centres de rétention administrative, Locaux de rétention administrative, Zones d’attente) et la libération de toutes les personnes encore maintenues ou retenues dans ces lieux. Dans le contexte international de pandémie, le maintien en zone d’attente ou le placement en rétention ne trouvent en effet aucune justification juridique. Nous réclamons pour ces personnes le droit de retourner dans leur département habituel de résidence, et la mise à l’abri de celles qui n’ont pas de domicile notamment à Calais où la situation n’a pas évolué depuis le début du confinement.
* Pour les mêmes raisons, nous vous demandons de suspendre toutes les décisions en matière d’expulsion, quelle que soit la situation administrative des personnes. Le fonctionnement actuel des juridictions administratives ne permet pas un examen dans des conditions satisfaisantes des recours contre ces décisions, et la fermeture des permanences des associations qui interviennent en soutien aux étrangers ne permet pas aux personnes d’accéder aux conseils dont elles ont besoin.
* Les déplacements étant désormais interdits, sauf motif dérogatoire, et d’une manière générale déconseillés, nous réclamons la suspension totale de l’obligation d’aller signer au commissariat ou dans les gendarmeries pour toutes les personnes assignées à résidence par exemple en application du Règlement Dublin. Les difficultés rencontrées par les intéressé·es pour respecter l’obligation qui leur est faite les exposant en effet au risque d’être déclaré.e.s « en fuite » et de ce fait de voir leurs droits réduits.
* Vous avez décidé que la durée de validité des visas long séjour valant titre de séjour et de tous les titres de séjour et récépissés expirant entre le 16 mars et le 15 mai 2020 serait prolongée pour une durée maximale de 180 jours. Afin d’éviter des ruptures de droits sociaux, et que la situation administrative des personnes titulaires de ces titres ne soit rendue très difficile au cours des prochains mois, nous vous demandons de faire délivrer aux intéressé·es dans les meilleurs délais un document attestant de cette prolongation.
2. Mesures concernant les lieux de vie et d’hébergement
* La situation observée dans les campements informels, les squats et les bidonvilles est effroyable. Le confinement dans de tels lieux, obligeant à une promiscuité importante, souvent sans accès à l’eau et aux produits d’hygiène, n’est pas acceptable. Nous vous demandons d’ordonner la réquisition de locaux, en concertation avec les collectivités locales, pour qu’un accueil et un hébergement digne et respectueux des conditions sanitaires que la pandémie rend nécessaire soient offerts à toute personne sans résidence stable.
* La loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de COVID-19 a entre autres prévu la continuité de l’action sociale en faveur des personnes en situation de précarité. Nous vous demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir de manière effective la prise en charge de ces personnes et notamment les personnes déboutées de l’asile, les jeunes isolé.e.s parvenant à la majorité, ou les jeunes dont la minorité n’a pu être évaluée ou qui ne pourront faire utilement des recours contre une contestation de leur minorité.
* Les mesures d’expulsion des lieux de vie doivent être suspendues, notamment concernant les personnes installées dans des structures dédiées à la prise en charge des demandeurs d’asile ou des jeunes isolé·es.
3. Mesures concernant la situation sanitaire
* Des points d’eau et des services de bains-douches doivent être installés partout où c’est nécessaire, en particulier dans les lieux où des personnes en migration se voient contraintes de vivre, en l’absence de solution d’hébergement digne.
* Des lieux de restauration doivent être assurés, matin et soir, aussi près que possible des lieux de vie, les associations ne pouvant assurer toutes les distributions alimentaires habituelles. Il n’est pas possible de laisser en situation de détresse des familles ou des personnes affectées par les fermetures des lieux d’accueil fonctionnant en période normale (dont les établissements scolaires et les lieux de restauration scolaire).
* La loi du 23 mars 2020, dans son article 11, promeut l’accès aux soins pour tous et toutes. Cet accès doit être effectivement ouvert aux personnes étrangères sans restriction particulière tenant à leur situation administrative.
* Dans tous les lieux publics ou associatifs ouverts, enfin, des masques, des gants, du savon et du gel hydroalcoolique en quantité suffisante doivent être mis à disposition des salarié.e.s comme des bénévoles.
Nous espérons que les alertes et revendications de ce courrier retiendront votre attention.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre haute considération.
Les États Généraux des Migrations.